Groupement d’Employeurs et Temps Partagé expliqués par L’EXPRESS, s’il vous plaît !

Dec
13

Groupement d’Employeurs & Temps partagé : pour quoi faire ?

Le temps partagé est utile pour les entreprises qui ont besoin de recruter du personnel qualifié à temps partiel. Travailler pour plusieurs entreprises à la fois offre également des garanties au salarié.

Moins de ventes, moins de moyens, mais la nécessité de maintenir des compétences pour tenir le choc et préparer la reprise… Et si le travail à temps partagé était une solution pour traverser la crise ? « La formule connaît un regain d’intérêt, constate Bruno Henon, président de la Fédération nationale des associations de travail à temps partagé (Fnattp). Elle permet aux employeurs d’embaucher les deux ou trois cadres expérimentés qui leur sont nécessaires à mi-temps ou à tiers-temps. Ce qui constitue un avantage concurrentiel sans équivalent. » Le temps partagé comble le manque de compétences des entreprises. « Il s’agit d’un juste temps au juste coût », résume Bruno Henon.

De fait, toutes les entreprises n’ont pas nécessairement besoin de toutes les compétences 35 heures par semaine… Et peu importe leur taille, le travail à temps partagé peut les intéresser toutes. « Les plus grosses regardent, elles aussi, à la dépense », note Franck Marcq, patron de Ventoris Group. Cette entreprise pionnière du travail à temps partagé compte de grosses sociétés comme clients. « Elles ont recours au temps partagé pour un besoin ponctuel, une mission limitée dans le temps : audit, qualité… » Les petites structures, elles, sont plus intéressées de s’offrir les compétences qu’elles n’ont pas.

Faire travailler des seniors expérimentés

Côté salarié, le temps partagé procure plus de sécurité d’emploi et de revenus que le sacro-saint CDI « mono-employeur » : « Il est quasi impossible de perdre simultanément deux ou trois employeurs. Et il est plus facile de retrouver un emploi quand on a déjà une activité », analyse Bruno Henon. Autre avantage pour le salarié : il peut mettre à profit l’expérience acquise dans un poste dans l’autre. « J’enrichis mes compétences. Mes employeurs en bénéficient », se réjouit Charlotte Haulin, qui se partage chaque semaine entre trois entreprises du Morbihan. En début de carrière, travailler à temps partagé permet aussi aux jeunes diplômés d’accroître leur employabilité en capitalisant plus vite de l’expérience. « Nous comptons parmi nos salariés une jeune architecte qui utilise le temps partagé pour se faire tester par différents employeurs et acquérir rapidement du savoir-faire », illustre Franck Marcq.illustration-verte

Enfin, le temps partagé est une bonne solution pour faire travailler des seniors expérimentés. « A 57 ans, trouver un temps plein relève de la mission impossible », observe Nicole Gaillardon, qui est depuis l’automne directeur administratif et financier à temps partagé. « Mon contrat est un CDI d’intermittent chez Ventoris Group. Ma mission actuelle consiste à intervenir comme directeur administratif dans une entreprise nouvellement créée dont le créateur n’est pas branché sur la gestion. » Et Nicole Gaillardon compte bien trouver d’autres employeurs. « La formule me sécurise davantage qu’un CDD, forcément plus précaire. »

Partager un salarié : une formule peu utilisée

Les entreprises sont très demandeuses d’emplois à temps partiel. Près de 600.000 offres sont actuellement à pourvoir. Pourtant peu d’employeurs pensent à embaucher en temps partagé.

Bon pour les entreprises comme pour les salariés, le temps partagé répond, a priori, au besoin très actuel de « flexisécurité » (flexibilité pour les unes, sécurité pour les autres). Et pourtant, son utilisation reste limitée. A en croire l’Observatoire du temps partagé, la formule ne concernerait en France que 210 000 actifs, soit moins de 1 % de la population active. C’est bien peu ! Des raisons culturelles expliquent un succès aussi confidentiel. Les dirigeants de petites entreprises méconnaissent la formule ou s’en méfient : la plupart ont l’habitude d’avoir leurs collaborateurs à leur disposition à temps plein. Ce conservatisme dans le management et l’organisation a son pendant du côté des salariés. « Dans leur recherche d’emploi, les chômeurs visent le CDI à temps plein auprès d’un employeur unique, pas le CDI à temps partagé ou le multisalariat », déplore Max Valencourt, de l’Observatoire du temps partagé.

« Quand je ne suis qu’une journée par semaine dans une entreprise, je bosse à 200 %. »

Et puis le concept de temps partagé souffre d’une confusion avec le temps partiel, que Bruno Henon s’empresse de dénoncer : « Si le travail à temps partiel, souvent synonyme de précarité, n’est pas satisfaisant, le travail à temps partagé sous la forme du multisalariat, de la pluriactivité ou via les groupements d’employeurs ne présente au contraire que des avantages. » Et, surtout, les deux approches ne sont pas contradictoires. Bien au contraire ! « Il y a en France 800 000 offres d’emplois à temps partiel, mais seules 30 % sont satisfaites. Les gens ne veulent pas bosser à temps partiel ? Nous avons pour eux une solution : le groupement d’employeurs. Faites-le savoir ! » plaide Franck Delalande, président-fondateur de Vénétis.

Seulement voilà, travailler pour plusieurs employeurs n’est pas une pratique qui coule de source : « Elle choque encore un grand nombre de personnes », admet Franck Delalande. Enfin, dernier obstacle et non des moindres, tout le monde n’a pas la souplesse d’esprit pour travailler à temps partagé. Charlotte Haulin, qui développe les fonctionnalités et la visibilité de sites internet dans trois sociétés, le reconnaît : « Dans mon domaine, les attentes de l’employeur sont très fortes. Quand je ne suis qu’une journée par semaine dans une entreprise, je bosse à 200 %. » Bref, il faut savoir s’impliquer à fond dans un laps de temps plus court, tout en étant capable de s’adapter à des cultures d’entreprise parfois fort diverses.

Deux formes juridiques

Soit les salariés à temps partagé sont en CDI auprès d’un groupement d’employeurs, soit ils ont directement signé plusieurs contrats avec différents employeurs, selon la formule du multisalariat.

Et un statut en panne

Une loi du 2 août 2005 a créé le statut d’entreprise de travail à temps partagé (ETTP), avec, pour but unique, de mettre du personnel à disposition d’entreprises clientes. Mais les décrets d’application n’ont toujours pas été publiés…

Groupements d’employeurs : les entreprises s’organisent

Des groupements d’employeurs sont formés pour s’échanger entre eux les salariés . Ils se chargent de leur trouver des missions à effectuer.

 » En ce moment, l’intérim souffre. Pas nous !  » sourit Franck Delalande, de Vénétis. Ce groupement d’employeurs du sud du Morbihan, le plus important de France (il fédère quelque 150 entreprises), emploie 95 salariés aux compétences variées : préparateur de commandes, technicien de maintenance, dessinateur projeteur, DRH, responsable communication, spécialiste du marketing, responsable environnement… Cela montre bien que des métiers de production comme des fonctions transverses peuvent se pratiquer sous la forme du temps partagé.  » 30 000 personnes, estime-t-on, travaillent pour des groupements d’employeurs, mais la formule a un potentiel énorme : elle devient très pertinente en période de crise « , insiste le boss de Vénétis.

S’échanger du personnel compétent 

Association à but non lucratif, un groupement d’employeurs rassemble des chefs d’entreprise proches géographiquement qui recrutent du personnel pour le mettre à disposition de leurs membres. Les personnes embauchées sont salariées en CDI par le groupement d’employeurs, qui leur trouve des missions à effectuer de manière récurrente parmi ses adhérents. C’est toute la différence avec les sociétés de portage salarial : elles, laissent le cadre effectuer lui-même la recherche de missions. A l’origine, la vocation de ces groupements d’employeurs était de constituer un vivier de personnel d’exécution pour faire face à des saisonnalités successives.
Autrement dit, des entreprises dont les pics d’activité ne tombent pas à la même saison se partagent des salariés. Des groupements d’employeurs se sont depuis constitués pour employer toutes sortes d’experts dont les compétences font défaut à chacun d’entre eux : du classique directeur administratif et financier au récent responsable du développement durable.

Contacts

Fédération nationale des associations de travail de temps partagé (Fnattp) La Fnattp regroupe les associations de cadres en temps partagé : elles sont 70 environ en France à faire de la prospection d’entreprises et de la mise en relations. Les adhérents doivent souscrire à une charte de qualité.

Union des groupements d’employeurs de France (UGEF) Regroupe 300 groupements d’employeurs en France, soit 10.000 entreprises en France et 12.000 emplois (hors secteur agricole). Dans la charte qualité, les adhérents s’engagent à créer des emplois maillés et durables et à développer les compétences de leurs collaborateurs ainsi qu’à obtenir une confidentialité et un devoir de réserve de la part des salariés. Tél : 01 40 17 91 10 www.ugef.fr

Observatoire du temps partagé (Otp) Créé en 1993, c’est une unité opérationnelle de l’ANDRH, l’association nationale des directeurs de ressources humaines. Tous les vendredi matin, une permanence est assurée. Cadres en recherche d’emploi ou entreprises peuvent être conseillées. Contacter aussi l’OTP pour obtenir un modèle de contrat de travail, il a été élaboré avec le département juridique de Pôle-Emploi (ex-Anpe). Tél :01.42.25.18.21 Fax : 01.56.88.18.29

Multisalariat : plusieurs contrats de travail et plusieurs employeurs

Bien que le multisalariat soit inconnu du droit du travail, les administrations le reconnaissent. Une occasion supplémentaire pour les entreprises d’y recourir.

Le temps partagé se pratique aussi sous la forme du multisalariat. Le salarié a alors signé plusieurs contrats de travail avec plusieurs employeurs. « Dans la réalité, il ne peut travailler qu’avec deux ou trois au maximum par semaine. Au-delà, c’est, à l’expérience, insoutenable », analyse Max Valencourt, de l’Observatoire du temps partagé.
Dans cette formule, les entreprises utilisatrices n’ont aucune obligation les unes envers les autres, alors que, dans le cas du groupement d’employeurs, chaque adhérent est solidaire des autres pour toutes les dettes sociales du groupement. Sur le plan juridique, autant le groupement d’employeurs est encadré par plusieurs textes de loi, autant le multisalariat est inconnu du droit du travail.

« Pourtant, toutes les administrations, du fisc à l’Urssaf en passant par l’Agirc et l’Arcco, le reconnaissent », pointe Max Valencourt. De fait, le multisalariat se trouve assimilé au temps partiel, une formule hyperprotectrice qui souffre pourtant d’une image négative, y compris dans les hautes sphères. Gare aux idées reçues ! Quand on pense temps partiel, on pense encore trop souvent caissière de supermarché. Il y a dix ans, Martine Aubry, alors ministre du Travail, avait cette idée, selon Max Valencourt, qui fait la guerre aux clichés : « Ce sont aussi des cadres apporteurs de compétences, experts dans leur domaine, et pour qui ce n’est pas du temps partiel subi ! »
A quelque chose, malheur est bon : l’actuelle récession encourage toutes les formes de travail souples et pragmatiques pour créer son job ou s’assurer des compétences. Temps partagé, pluriactivité ou auto-entrepreneuriat gagnent du terrain.

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